Dans l’article précédent, j’ai présenté le déroulement de ma grossesse et mon post-partum en Allemagne d’un point de vue assez factuel. Avec ce nouvel article, j’ai eu envie de revenir sur comment j’ai vécu et ressenti cette grossesse.
J’ai toujours souhaité avoir des enfants. Ayant de l’endométriose, on m’avait dit que ça serait peut-être difficile. Mon gynécologue m’a ainsi dit à 22 ans qu’il ne faudrait pas que j’attende mes 30 ans pour essayer. J’ai donc senti assez tôt une pression et inconsciemment un timer s’est déclenché dans ma tête. Mais c’était trop tôt : j’avais des longues études devant moi et pas la bonne personne dans ma vie. Parallèlement, vu mon terrain (familiale et endométriose), j’ai commencé à idéaliser la grossesse, en me disant que ça serait peut-être difficile d’être enceinte. J’entendais mon entourage en parler mais aussi les media. Je me suis construite une certaine image de la grossesse. Passé les quelques nausées de début de grossesse, cela devait être un moment magique et serein, où tu apprécies ce ventre qui s’arrondit, où tu sens la vie grandir en toi, où tu as des beaux cheveux, une belle peau et où tout le monde te dit que tu es rayonnante ! Spoiler alert : la grossesse, ce n’est pas aussi cool que ça peut en avoir l’air et tu peux détester ça !
À 28 ans, cela fait déjà quelques temps que je suis avec mon conjoint. Et je sens que c’est la personne avec qui j’aimerais avoir des enfants. Le tic-tac de l’horloge sonne dans ma tête.
Mai 2018
Après en avoir parlé pendant des mois avec mon conjoint, on arrête la contraception en Mai 2018. Les premiers mois je ne me fais pas trop d’illusions, même si je suis un peu déçue quand mes règles, toujours très ponctuelles, arrivent. 6 mois après avoir arrêté la contraception, je commence à stresser un peu.
Mars 2019
Fin Mars 2019, je suis censée me faire opérer pour vérifier l’état de l’endométriose. Une semaine avant l’opération, mes règles ont du retard. J’ai aussi les seins lourds. Je fais plusieurs tests urinaires de grossesse : ils sont tous négatifs. J’ai rendez-vous avec ma médecin généraliste, la veille du rendez-vous avec le chirurgien et l’anesthésiste. Elle y croit, elle me fait une prise de sang : les résultats sont prévus le lendemain. Aux deux rendez-vous à l’hôpital, je dis que j’ai du retard. Test urinaire encore négatif. Je suis déprimée ! Ils me font une autre prise de sang pour vérifier. Le soir, ma médecin généraliste m’annonce que je suis enceinte. Je ne m’y attendais plus. L’hôpital m’appelle le lendemain pour me dire que l’opération est annulée : je suis enceinte. Quelques jours plus tard, je perds beaucoup de sang. Je me met rapidement en tête que je fais une fausse couche. Cela est confirmé plus tard par échographie. Après ces montagnes russes émotionnelles, je passe une semaine à déprimer chez moi.
Mai 2019
Fin Mai 2019, j’ai de nouveau un retard de règles. J’attends quelques jours. Je fais un test urinaire de grossesse : il est négatif. Je suis déçue mais je ne perds pas espoir. Comme je ne ressens aucun des signes de règles imminentes, je prend rendez-vous chez ma médecin généraliste pour le lendemain. Elle me fait une prise de sang, m’envoie la déposer au laboratoire d’analyse pour avoir les résultats rapidement. Le lendemain, elle m’annonce que je suis de nouveau enceinte. Je suis contente mais je ne saute pas de joie : j’ai peur de faire une nouvelle fausse couche. Ce sentiment, cette peur, va me suivre pendant la première partie de la grossesse.
Juin 2019
J’ai quelques nausées, mais tout à fait supportable. Je me sens ballonnée et rapidement je ne rentre plus dans mes vêtements. Heureusement, l’été arrive : je ne porte plus que des robes.
Je suis surtout fatiguée. Je dois ralentir mon rythme. C’est assez dur pour moi : j’ai toujours pleins de projets en parallèle et une vie sociale bien remplie. Ce n’est donc pas vraiment dans mon tempérament et mes habitudes de ne rien faire. Je n’aime pas me sentir inactive mais je n’avais pas l’énergie de faire autre chose. Je passe donc deux week-ends dans mon lit, quelque chose que je ne fait normalement jamais. J’en profite pour lire des livres sur la grossesse. En effet, j’ai aussi besoin de savoir ce qu’il va se passer.
Trois semaines après l’annonce de grossesse, j’ai rendez-vous chez le gynécologue. Échographie de datation. Pas d’oeuf clair. Je vois pour la 1ère fois ma fille et j’entends son cœur battre. Tout va bien ! Ça me rassure (un peu) !
Juillet 2019
Je suis scientifique dans une université allemande. Mon équipe organise depuis plus d’un an une conférence qui a lieu début Juillet. Je suis alors enceinte d’un peu moins de 2 mois. Les dernières semaines avant la conférence sont stressantes. Pendant la conférence, avec la fatigue du 1er trimestre de grossesse, je rentre tôt et je me couche tôt. Je ne profite pas autant que je voudrais de cette conférence et de mes collègues internationaux que je ne vois qu’une fois par an.
Une fois la conférence passée, le stress retombe. Je suis vraiment épuisée. Et j’ai peur, peur de perdre l’embryon ou de lui faire du mal, surtout avec le stress des dernières semaines. Je fais alors attention à tout ce que je fais, ce que je mange. Même me baigner dans un lac me fait peur : peur de tomber malade et de ne pas avoir assez de forces pour son développement.
Août 2019
Le 2e trimestre de grossesse commence. Je fonde beaucoup d’espoir sur ce trimestre. Peut-être trop ! On est en plein été, pourtant je tombe malade : un gros rhume. J’ai aussi quelques contractions. Ma médecin généraliste me fait une échographie pour vérifier que tout aille bien, malgré les contractions. Elle me prescrit un arrêt maladie d’une semaine et me dit de me reposer. Une semaine dans mon lit en plein été : je regarde des séries, je lis, je déprime. On prends ensuite une semaine de vacances : on part quelques jours en France dans nos familles. Mais ce n’est pas la grande forme, surtout moralement. On se repose.
On rentre en Allemagne pour deux semaines de travail puis une nouvelle semaine de vacances. Quelques jours avant les vacances : sinusite + bronchite. Un road-trip en Europe était prévu. La médecin généraliste me le déconseille : elle me dit de faire attention, de ne pas faire trop de voiture, etc. On change donc nos plans : on passera quelques jours en Allemagne.
Septembre 2019
Pendant le séjour, je commence à avoir mal au dos et aux côtes, au point de d’avoir des difficultés à marcher et respirer. Résultats des urgences : froissement d’un muscle intercostal à cause de la toux. Quelques exercices pour détendre cela et prise de rendez-vous chez un ostéopathe. Ça va mieux, mais j’aurais quand même un peu mal jusqu’à la fin de grossesse, surtout en position assise (pas très pratique pour mon boulot).
L’été aura été est assez décevant pour moi. Un point positif : je commence à sentir le bébé bouger. Et j’adore ça !
Mon ventre s’arrondit doucement. Je ne suis pas à l’aise avec les changements de mon corps. J’ai mis du temps à l’apprivoiser, je commençais à le connaître, à savoir comment il réagit dans différentes situations. Et le voilà qui change, je ne comprend plus rien, je ne maîtrise plus rien. Et je n’aime pas ça.
Je repousse au maximum l’achat de vêtements de grossesse. Je me dis que je peux y arriver avec ce que j’ai déjà, que c’est juste pour quelques mois, que cela ne vaut pas vraiment le coup. Là dessus j’ai tout faux. Mon sentiment de mal-être n’en est qu’empiré : je suis mal dans mes vêtements et dans ma peau. Il m’arrive de pleurer des soirs, sans vraiment savoir pourquoi. Je passe du temps dans la douche juste à évacuer mes peurs et frustrations. Je m’énerve contre mon conjoint alors que ce n’est pas de sa faute, je lui en veux de ne pas me comprendre, de ne pas faire et ne pas deviner ce que je veux alors que je ne le sais pas toujours moi-même.
À ce moment là je découvre le yoga prénatal.
Octobre 2019
Les contractions reviennent. Sur conseil de ma sage-femme, je les notes pendant plusieurs jours. Elles ne diminuent pas, au contraire. Ça me stresse. J’ai peur d’accoucher prématurément mais aussi d’être alitée pour la fin de grossesse. Ma sage-femme et le gynécologue se veulent rassurants. Ils me prescrivent du magnésium et du Bryophyllum. Je dois quand même diminuer les sources de stress. Je me décharge donc de certaines tâches au travail. De toute façon, il faudra bien avant mon congé maternité / parental, qui devrait durer presque 1 an.
Mi-octobre, je dois arrêter mes déplacements à vélo au quotidien. Je vis dans une ville où les déplacements en vélo sont la norme. J’adore faire du vélo. Cela me donne une telle liberté. Devoir arrêter le vélo est un coup dur. Même si le réseau de transport en commun est bien, tout prend plus de temps. Je perds en autonomie et je n’aime pas ça !
Novembre 2019
Depuis le début de ma grossesse, j’ai diminué mes déplacements professionnels. Mais il y en a un qui me tient à cœur. Mi-novembre : 5 jours de travail dans un complexe hôtelier tout compris avec des collaborateurs de toute l’Europe que j’apprécie de voir. Je peux combiner avec quelques jours à Paris pour voir ma famille. Et tout ça, accessible en train. Mon conjoint a un peu peur que ce soit trop (stressant, fatiguant, etc). Je tiens à participer : c’est sûrement la dernière fois que je peux partir si longtemps l’esprit léger. J’y vais et je ne le regrette pas ! Ça m’a fait énormément de bien. Le planning est flexible et tout est à un seul endroit. J’ai donc suivi mon corps. J’en ai profité pour faire des siestes, mais aussi des bains et de la piscine.
Je rentre donc de ce séjour avec le moral remonté. On est fin Novembre. On a passé le cap de viabilité du bébé.
Décembre 2019
Le congé maternité (6 semaines avant terme) commence quelques jours avant Noël. On a choisit de rester en Allemagne pour les fêtes de fin d’année pour éviter de faire 1 500 km en voiture. Est-ce qu’on est pas un peu trop prudent ? Une partie de nos familles viendra nous rendre visite. On se repose. On profite aussi de quelques jours en amoureux dans un hôtel / spa. On ne fait rien. On en avait besoin, surtout que je suis épuisée.
Les douleurs aux côtes sont toujours là et maintenant le bébé bouge beaucoup et donne beaucoup de coups. Pendant presque toute la grossesse, je peux seulement dormir sur le dos, relevée par mon coussin d’allaitement. Ce n’est pas confortable. Je dors très mal et j’ai souvent besoin de me lever. La fatigue s’accumule.
Janvier 2020
La nouvelle année commence. On est rassurés. Il reste 1 mois avant le terme.
Je passe les semaines suivantes à regarder des séries, préparer des papiers (voir article précédent), finir quelques trucs liés à mon boulot, lire, aller boire des thés avec des amies, dormir, etc. J’essaye d’en profiter mais je commence vraiment à avoir du mal à marcher. Un début de pubalgie.
On se rapproche du terme. De nouvelles peurs arrivent : je souhaite un accouchement sans péridurale. Et si je n’avais pas la force mentale pour y arriver ? Je suis un cours d’hypnonaissance en ligne, qui me rassure énormément : j’en sais déjà beaucoup, je suis prête !
Je commence à en avoir vraiment marre d’être enceinte. J’aimerais que ma fille arrive. Mais elle prend son temps, malgré des fausses alertes et un col qui a commencé à s’ouvrir. En effet, bien que les contractions ne se sont pas arrêtées depuis Octobre, elles s’intensifient en Janvier. Certains soirs, elles deviennent intenses, douloureuses et régulières, mais elles s’arrêtent au milieu de la nuit.
Février 2020
Les deux dernières semaines sont particulièrement longues. Finalement, six jours après le terme (allemand, soit un jour avant le terme en France), j’accouche. Un accouchement idéal : express, et sans problème. Je raconterai le récit de cet accouchement dans un prochain article.
Ce fut finalement une fin comme je l’avais souhaité, pour une grossesse qui ne fut définitivement pas comme je l’avais imaginé.
En résumé : Je n’ai définitivement pas aimé être enceinte
Même si j’ai aimé sentir ma fille bouger dans mon ventre. Je n’ai pas pas aimé les changements de mon corps. Huit mois après l’accouchement, je commence tout doucement à me réconcilier de nouveau avec lui. Je n’ai pas aimé devoir ralentir ma vie et mes activités. Mais cela m’a préparé à l’arrivée de ma fille, pour me poser et cocooner avec elle. Je n’ai pas aimé la détresse psychologique dans laquelle je me suis retrouvée, et je le suis parfois encore. Enfin, je n’ai pas aimé avoir peur, peur de faire une nouvelle fausse couche, peur de malformation de l’embryon, peur de faire du mal au bébé, peur d’accoucher trop tôt, peur de la douleur, et enfin peur de la nouvelle vie qui s’annonçait.
Relu par @mamaorhum et @camilledrnd. Photo par Bérénice Batut, disponible sur Flickr.