Projet de naissance, pourquoi? comment ?

Comme raconté dans un prédédent article, ma grossesse et mon accouchement se sont déroulé en Angleterre. Là bas, les sages-femmes demandent aux parturientes d’écrire un projet de naissance lors du suivi de grossesse. J’ai dû le présenter à ma sage femme vers 38 semaines pour discuter de sa faisabilité et le coller dans mon livre de grossesse à la page prévue.

Je n’avais jamais entendu parlé de projet de naissance. Le sujet a été un tout petit peu abordé en préparation à l’accouchement puis j’ai dû me renseigner sur internet. Surtout, ces histoires de projet de naissance me semblait fait pour celles qui voulaient un accouchement “exotique” ou spécifique, alors que j’envisageais mon accouchement à l’hôpital à dire oui à ce que les sage-femmes me conseilleraient sur le moment. Bref, je ne voyais pas du tout en quoi ça me correspondait.

La première question que je me suis donc posée a été, pourquoi m’impose-t-on d’en écrire un alors qu’en France, par exemple, cela reste très marginal ?

Pourquoi un projet de naissance

Le projet de naissance n’est en fait pas du tout nouveau dans les pays anglo-saxon, alors qu’il commence à apparaître en France. Il est apparu à la fin des années 1970 (voir un historique ici) en réponse à la médicalisation des accouchement.

Plusieurs études scientifiques ont systématiquement démontré que:

  • La création d’un projet de naissance permet aux femmes de mieux s’informer sur les choix et techniques d’accouchement.
  • Il permet aux femmes de prévoir un ensemble de choix cohérents, par exemple une naissance en piscine ne peut pas utiliser de péridurale ou d’appareil TENS pour soulager la douleur.
  • Le projet de naissance peut être une source de conflit entre la parturiente et l’équipe d’accouchement. C’est révélateur d’un manque d’écoute des besoins des femmes par certaine équipes et peut augmenter la frustration des parturientes quand ça se passe mal.

Il est difficile de déduire si l’accouchement se passe “mieux” avec ou sans projet de naissance :

  • Une étude suédoise sur un petit échantillon a montré que l’écriture d’un projet de naissance ne favorisait pas une bonne expérience d’accouchement.
  • Une autre étude Taïwanaise montre au contraire que les femmes ayant fait un projet de naissance sont plus contente de leur accouchement et se sont senties plus dans la maîtrise de ce qui se passait.
  • Une étude Israélienne a montré un plus fort taux d’épisiotomie et de péridurale chez celle qui avaient écrit un projet de naissance, mais un plus faible taux de césarienne.
  • Une étude américaine n’a montré aucun effet sur les taux d’épisiotomie et de césarienne, mais une diminution des taux de péridurales chez celles qui avaient un projet de naissance.

Il existe ainsi une pléthore d’études, mais aucun consensus n’a encore émergé.

Pour résumé, il n’est pas évident qu’avoir un projet de naissance puisse changer le “bon déroulement” d’un accouchement (gardons bien en tête que la définition d’un bon accouchement est quelque chose de très subjectif, et qui peut différer entre la parturiente et l’équipe médicale).

Comment faire un projet de naissance ?

Armée de ces informations, je conçois qu’imposer un projet de naissance pourrait avoir du sens pour forcer les femmes à s’interroger et se projeter dans leur accouchement. Bonne élève, je m’attelle donc à la tâche en gardant en tête :

  • Construire le projet de naissance est un outils avant tout pour moi-même. Le principal bénéfice sera le cheminement de son écriture.
  • Ce projet de naissance sera la base de la communication avec mon équipe médicale, mon introduction dans leur monde. Sur quelle longueur d’onde ai-je envie me situer ?

Maintenant vient la question de comment faire ce projet de naissance, surtout dans mon cas où je n’ai pas d’attentes ni de croyance particulière. En parcourant plusieurs sites spécialisés, j’ai trouvé un formulaire du NHS intéressant et assez générique pour s’adapter à tous les cas de figure. Puis j’ai écrit mes demandes pour chaque étape, sur mon propre document pour que ce soit clair et concis. Les informations recommandées sont:

  • Contexte
    • Les personnes présentes pendant l’accouchement. Il est de votre droit de vouloir ou ne pas vouloir y voir des personnes (le second parent, la famille, vos enfants, une doula, etc.), à différents stades de l’accouchement.
    • Le lieu d’accouchement choisi. Cela semble évident mais les circonstances peuvent vous pousser à finir dans un autre endroit que celui prévu. Cette information peut aider votre équipe.
    • Les contacts importants: partenaire, famille, équipe médicale qui vous a suivi.
  • Le travail
    • Monitoring: si vous ne souhaitez pas en avoir (ou au minimum) ou si au contraire, ça ne vous dérange pas.
    • Mobilité: Si vous voulez être mobile pendant le travail (il y a des solutions pour ça).
    • Position de travail / accouchement
    • Ambiance: Si vous voulez un environnement spécial par exemple la musique, la lumière , des bougies
    • Vos méthodes de choix pour la gestion de la douleur
  • En cas de complication
    • Ce que vous êtes prêtes à accepter (déclenchement, épisiotomie, ventouse, forceps, césarienne, etc.)
    • Dans quelles conditions (par exemple, après avoir essayé X, en présence de X; après avis médical de X, après discussion)
  • Post-partum
    • Qui coupe le cordon, quand couper le cordon
    • Comment expulser le placenta (par déclenchement médical ou non)
    • Que faire du placenta
    • Peau à peau: direct, après un bref nettoyage du bébé ou plus tard
    • Allaitement ou lait artificiel, si allaitement au plus tôt ou pas forcément
    • Consentement ou non pour les soins directs après l’accouchement (vitamine K)

Attention il est important de bien se renseigner sur ce qui pourra être possible dans votre lieu de naissance. Pour chaque point, il est totalement OK de dire “je ne sais pas” ou “on verra en fonction de la situation”. Il ne faut aussi absolument pas hésiter à dire des trucs qui peuvent paraître basique, par exemple “j’aimerai éviter l’épisiotomie” (qui en veut vraiment?) ou bien “mon partenaire ne désire pas couper le cordon” (car il va tomber dans les pommes). Si vous avez un projet spécifique, c’est bien sûr là qu’il faut le mettre mais ne surtout jamais négligez les “si jamais”. Si jamais je voulais accoucher à la maison mais pour X raison me voilà à l’hôpital, qu’est ce que je veux.

Le jour J, toutes les questions vous seront posés de nouveau, donc pas de pression. Il n’est absolument pas interdit de changer d’avis. Cependant, il peut facilement arriver que l’on ne sache plus ce que l’on veut. Ou bien que trop épuisée par des heures de travail, on “oublie” un point qui nous paraissait très important (cordon, placenta, peau à peau). Le projet de naissance est là pour s’en rappeler.

Le plan de naissance est ainsi un plan A, B, C etc. Ce n’est pas parce que vous écrivez, « je suis OK pour une césarienne en cas de besoin » que la césarienne sera proposée sans raison. Cependant rien ne pourrait vous empêcher de sortir le projet de naissance plan B, seulement lorsque les complications arrivent. Cela nous avait été suggéré au cours de la préparation à l’accouchement, mais ne correspondait pas à ma philosophie de discussion ouverte avec le corps médical. Pour moi, il était important d’appréhender ma flexibilité face à l’accouchement. Cela peut permettre de mieux vivre un accouchement difficile. En effet un projet de naissance rigide peut augmenter les frustrations et tensions. Ainsi ce n’est pas parce que vous écrivez “je ne veux pas d’épisiotomie ou de césarienne” que vous n’en aurez pas : si des vies sont en jeu, les médecins vont faire le nécessaire peu importe ce bout de papier.

Et alors ça a servi ?

En devant mettre par écrit tous ces concepts, j’ai pris connaissance de choix que je ne savais pas que j’avais. Même si je n’ai pas changé d’avis sur ce que je voulais, j’ai approfondi mes idées sur ce que j’attendais de l’accouchement. Ainsi la première ligne de mon projet de naissance était:

Mon attente principal pour cette naissance est un bébé et une mère en bonne santé, orchestré par des décisions informées et basées sur la science.

Cela m’a aussi permis de discuter de tous les points avec le futur papa, et de l’informer sur toutes ces décisions et possibilités qui ne sont autrement pas partagées. Je suis convaincue que cela l’a aidé à se préparer.

Durant mon accouchement nous avons du faire appel au plan A, puis B, puis C. Mais nous étions prêts, le papa aussi, et je ne me suis pas sentie surprise, ni en manque de contrôle. C’est finalement la première ligne qui a gagné, bébé et maman en bonne santé, et une équipe médicale qui a pris le temps de tout discuter avec moi.

Le plan ne naissance n’est pas une garantie. C’est un guide, une philosophie pour vous présenter rapidement à l’équipe d’accouchement. C’est un support quand on ne sait plus ce qu’on veut après de longues heures de travail. Je recommande à toutes de l’écrire, afin de se poser les bonnes questions, de se renseigner sur toutes ces étapes de l’accouchement, en fonction de ce qui est disponible pour elles et de pouvoir en discuter.

Relu par @bebatut. Image par Peggy und Marco Lachmann-Anke de Pixabay

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