On pourrait penser qu’être enceinte, accoucher ou s’occuper d’un nouveau-né est quelque chose de « naturel » chez une femme, avec ce soi-disant Instinct maternel dont tout le monde parle. La réalité, du moins ma réalité, est toute autre.
Quand nous avons décidé de sauter le pas avec mon conjoint, nous n’avions pas de pression. C’était plutôt :
Ok, la pilule est arrêtée (mi-janvier). Maintenant ça arrivera quand ça arrivera.
Début mars, je commence à être fatiguée et nauséeuse. Je mets cela sur le compte des derniers mois au travail qui n’ont pas été de tout repos. Mais les nausées se transforment vite en vomissements, de jour comme de nuit, du matin au soir; et s’accompagnent d’une fatigue intense ! Je rentre chaque soir du travail et fais la sieste pendant au moins une heure. Mon conjoint me lance en rigolant :
T’es peut-être enceinte !?
Ce à quoi je réponds :
N’importe quoi !
Cette idée ne me quittera plus. Je décide alors d’acheter un test de grossesse. Comme préconisé, j’attends le lendemain matin pour faire le test. Après une courte nuit, je me réveille encore nauséeuse à l’aube, me lève et part faire le test. A peine fait, il affiche immédiatement les fameuses 2 barres ! Un fou rire me prends :
Ah bah ça a pas mis longtemps à s’afficher ! Bon ok je suis bien enceinte !
Direction la chambre, je réveille mon conjoint et lui dit :
Je suis enceinte..
On rigole, surpris, flippés mais heureux.
Je fais un premier test sanguin le vendredi ainsi qu’un deuxième après le weekend qui seront aussi positifs.
Les désagréments de début de grossesse continuent du matin au soir et ce jusqu’à la fin du troisième mois puis disparaissent du jour au lendemain. Ce changement soudain est d’ailleurs étonnant. Mais l’énergie revient et le ventre s’arrondit petit à petit.
J’ai ce petit être qui grandit en moi et lorsque nous apprenons que c’est une fille : la grossesse se concrétise. Je me sens bien physiquement mais d’autres difficultés vont commencer.
J’ai peur. Peur de prendre la voiture au point de m’imaginer des scénarios à la Tarantino. Peur de chaque mouvement au travail (déplacer un colis, monter sur un marche-pied, pousser un chariot de médicaments, etc). Peur de lui faire du mal. Peur de la perdre. Cette peur est exacerbée par le fait que nous sommes au début de la pandémie de Coronavirus. Travaillant dans la santé, je continue d’aller sur site malgré le confinement et l’atmosphère particulière qui règne.
Or ma grossesse et mon travail ont du mal à cohabiter. L’aménagement ne peut pas être fait et l’arrêt est encore loin. Je culpabilise : j’aime mon travail, des gens me font confiance.
Serres les dents, Camille. Ça va le faire.
J’ai la tête pleine. Pas un simple mal de tête mais une impression de lourdeur, de trop plein. Parfois je pleure dans la douche, ça m’aide à évacuer.
Depuis le début de la grossesse, je vois ma sage-femme libérale chaque mois. Un jeudi en fin d’après-midi, j’ai rendez-vous avec elle et c’est l’explosion. Je fonds en larmes devant elle. Je mets du temps à me calmer et à comprendre ce qu’il se passe. Elle m’écoute, comme elle le fera tout au long de ma grossesse. Elle me dit alors que la dépression pré-partum est là, que je suis à deux doigts du burn-out et qu’il faut que je m’arrête.
Ok pour deux semaines.
Dans ma tête, cela sera suffisant. Je me dis que je tiendrais ensuite jusqu’au congé maternité. En fait, je ne retournerai pas au travail. Après ces deux semaines d’arrêt, je dois aller chez ma médecin traitant. Or, elle est en vacances. J’ai de ce fait rendez-vous avec sa remplaçante, sympathique et de mon âge ou à peine plus vieille. Mais d’après elle :
On ne s’arrête pas aussi tôt d’habitude pour une grossesse mais je vais vous prolonger quand même.
Comment ne pas culpabiliser ?
2 mois ! Il m’aura fallu 2 mois pour remonter la pente qui s’est avérée plus glissante et raide que prévu. Fatigue, pleurs, remise en question, culpabilité était ma réalité. Mes proches ont été un vrai soutien, notamment @bebatut qui avait vécu un bouleversement similaire. Partir prendre l’air loin de chez moi me fera aussi respirer. Sans oublier ma sage-femme, indispensable, une personne neutre qui a été ma soupape. J’ai eu beaucoup de chance de l’avoir.
Lorsque le congé maternité arrive je suis plus sereine car désormais « arrêtée comme toutes », officiellement. Avant, j’avais un peu honte de dire que j’étais arrêtée car ma grossesse me déprimait. C’était comme si je devais garder la tête haute pour toutes les femmes qui ne peuvent pas être enceintes ou qui ont une grossesse compliquée. Comme si une dépression pré-partum ne pouvait pas exister. Comme si une femme devait forcément adorer être enceinte puisque c’est à cela qu’elle est destinée.
Et puis je me suis dis que non, que je devais être honnête avec moi-même et avec les autres, qu’il était important pour moi de parler de ce sujet tabou qui ne devrait plus l’être.
Non, toutes les femmes ne vivent pas bien leur grossesse ! Les bouleversements, autant physiques que psychiques, sont tellement la réalité !
Chaque femme enceinte à sa vérité et ne devrait pas avoir peur d’en parler.
Article relu par @bebatut et @ponoodle. Photo by Robin Alves on Unsplash