Dans le contexte actuel de réflexion sur le congé maternité, paternité, parental en France, nous avons souhaité savoir comment se passaient les congés en France mais aussi dans d’autres pays. Nous commençons une série d’articles interviewant des parents sur ce sujet.
Bérénice nous raconte aujourd’hui comment se passe le congé parental en Allemagne, mais aussi comment elle l’a vécu. S’il est très différent du congé français, il s’accompagne aussi d’un lot d’injonctions parfois pressantes.
Peux-tu te présenter rapidement ? Où habites-tu ? De qui est composée ta famille ?
J’habite à Fribourg dans le sud-ouest de l’Allemagne. Ma famille est composée de mon conjoint et de notre fille de 14 mois.
Comment se passe le congé maternité et parental là où tu vis ?
Alors en Allemagne, il y a un congé maternité (Mutterschutz) de 6 semaines avant et 8 semaines après l’accouchement. Il est obligatoire pour les salariés. Ensuite, il y a le congé parental (Elternzeit = temps parental) qui peut durer jusqu’à 3 ans par enfant et doit être pris avant le 3ème anniversaire de l’enfant. Pendant ce congé, le travail et ses conditions sont garantis. Cela ne garantit pas un salaire.
Mais il peut y avoir une compensation financière (Elterngeld = argent des parents) pour une partie de ce temps-là. La période de référence de cette allocation est de 14 mois si chaque parent prend au moins 2 mois (12 mois sinon). Généralement, l’allocation est de 66% des revenus précédents, avec un maximum de 1 800€ par mois. Il est possible de toucher seulement 33% de la perte de salaire et de doubler ainsi le nombre de mois d’allocation, tout en travaillant (ou non) à temps partiel (Elterngeldplus).
Comment avez-vous fait pour ton (tes) enfant(s) ? Combien de temps a duré ton (tes) congé(s) parental ? Où en es-tu aujourd’hui ?
Nous avons fait le choix de prendre tous les deux 1 mois à la naissance. J’ai ensuite pris 6 mois entiers. Mon conjoint a de son côté pris 1 mois sur le septième mois de notre fille. Nous avons après tous les deux repris à temps partiel entre le septième et le douzième mois, avec lui à 75 % et moi à 20 % (1 jour par semaine). Ce choix a été fait en partie au regard de la perte de salaire, mais pas que…
Au départ, j’aurais souhaité ne prendre que 6 mois de congé parental. Mais, ici (ancienne Allemagne de l’ouest), il est très difficile de trouver une place en crèche avant le premier anniversaire de l’enfant. Notre fille a donc commencé la crèche à 12 mois, soit il y a presque deux mois, et pour certains.nes allemands.des, c’est encore trop tôt. Nous avons tous les deux repris à temps pleins à ce moment-là.
Comment se passaient les journées pendant ton congé ?
Ici, beaucoup de mères prennent des congés longs, en raison du manque de moyens de garde. Se créent donc régulièrement des groupes de mères qui se retrouvent et se soutiennent. Elles se rassemblent aussi autour des jeux pour enfants, quand ils commencent à y aller. De plus, de nombreuses activités sont proposées aux mères avec leurs enfants, pendant la première année.
Deux barrières se sont dressées entre moi et ces rassemblements : la langue et la Covid-19. Ce dernier a perturbé toute cette année rendant les regroupements difficiles voire interdits. Mon congé a donc été beaucoup plus solitaire qu’il ne peut l’être normalement en Allemagne.
Comment as-tu vécu ton (tes) congé(s) d’un point de vue émotionnel ? Trouves-tu que ce fut trop long, trop court ?
Le premier mois où on était tous les deux en congé a été vraiment important pour nous. Nous nous étions bien préparés et nous avons donc eu peu de tâches ménagères à faire. Psychologiquement, ce temps tous les trois nous a permis de nous construire en tant que famille ; nous avons profité, appris à nous connaître.
Je craignais de me retrouver seule avec ma fille les mois suivants. Là encore, la Covid a perturbé mes plans, dans le bon sens cette fois. En effet, mon conjoint a donc travaillé à la maison et il était ainsi toujours présent. Les 6-7 premiers mois se sont très bien passés, même si nos plans de voyage ont été perturbés.
J’ai repris le travail un jour par semaine en Septembre. Ça me faisait du bien. J’avais une journée sans m’occuper d’elle et ça a été aussi bénéfique pour la relation entre ma fille et son père.
C’est la suite qui a été plus difficile, quand l’automne est arrivé. Cette période a coïncidé avec un renforcement des mesures sanitaires et à des nuits difficiles.
Je devais travailler à la maison, avec ma fille qui venait constamment me voir. Les autres jours, pas de possibilité de relais, même trouver une baby-sitter était difficile. Ne pas avoir nos familles dans les parages a commencé à être pesant. Je me suis alors sentie coincée dans ma parentalité, avec l’impression de ne plus pouvoir faire autre chose. Je me levais en me demandant comment j’allais tenir la journée.
Pour moi, ce congé a été définitivement trop long.
Comment s’est passée la reprise du travail ? Comment t’es tu sentie ?
Ma reprise s’est faite en deux temps. D’abord un jour par semaine en septembre ce qui me faisait du bien mais était un peu frustrant car on n’a pas le temps de faire grande chose en une journée. La reprise à temps plein m’a fait un bien fou d’autant plus qu’elle coïncidait avec l’entrée en crèche de ma fille. J’avais enfin des moments sans elle, sans l’entendre, etc.
Cependant la reprise à temps plein n’a pas été toute rose, car en même temps que l’adaptation à la crèche. Et en Allemagne, l’adaptation à la crèche est longue et très graduelle. Pendant plusieurs semaines, il a fallu gérer un travail à temps plein et un bébé plusieurs heures par jour.
Quels sont, d’après toi, les avantages et les inconvénients de ce type de congé parental ?
L’avantage principal est d’avoir un congé long rémunéré correctement et qui inclut le deuxième parent. Ce qui est loin d’être négligeable.
Le plus gros inconvénient de ce congé est qu’il devient presque obligatoire en raison de l’absence de moyen de garde avant les un an de l’enfant. De plus, règne en Allemagne, particulièrement dans la région où nous vivons, une pression pour que les mères restent le plus longtemps possible avec leurs enfants.
PS : Si vous souhaitez être interviewer pour partager votre expérience sur le congé parental, n’hésitez surtout pas à nous écrire via le formulaire suivant ou à nous contacter par message privé sur Instagram ou Facebook. Nous serions ravi.e.s de vous écouter et de retranscrire vos propos.
Article relu par @camilledrnd et @mamaorhum. Photo de Jukka Aahlo disponible sur Unsplash.