Dans la suite de nos article sur les allergies, je vous proposons un guide sur le diagnostic l’allergie aux protéines de lait de vache, basé sur mon expérience personnelle mais aussi sur des lectures scientifiques.
La première bataille pour un parent avec en bébé ayant une allergie aux protéines de lait de vache (APLV) est d’obtenir un diagnostic. Entre les médecins peu informés, les différentes versions de l’APLV et le jargon médical, cela prend du temps et complique une période qui est déjà loin d’être simple, comme je le partage dans un article précédent. Dans cet article je vais reprendre le processus de diagnostic.
Pour comprendre comment on détecte l’APLV, il faut d’abord comprendre ce qu’est l’APLV, et ses deux formes.
Les PLV ou Protéines de Lait de Vache
Les PLV sont un ensemble de protéines de grosses tailles. Il en existe plus d’une vingtaine, telles que les caséines ou la beta-lacto-globuline. Elles se trouvent dans le lait de vache, mais certaines aussi dans le lait de chèvre ou de brebis. Tous les produits laitiers (lait, beurre, yaourt, crème, etc.) ainsi que le lait artificiel pour les biberons (sauf lait spécialisé en pharmacie) en contiennent. Une mère allaitante mangeant un produit contenant du lait transmet, sans le savoir, les PLV dans son lait maternel.
Les formes de l’APLV
Comme toute allergie, l’APLV est une réaction immunologique excessive et anormale au contact d’une substance étrangère, ici les PLV.
Il existe deux formes pour l’APLV.
- L’APLV induite par des anticorps de type IgE (IgE médiée). Cette forme, moins courante, est la plus sévère. L’enfant produit des anticorps, les immunoglobulines E (IgE), qui attaquent les PLV. Ceci entraîne des réactions allergiques “classiques” immédiates : choc anaphylactique, vomissement, réaction cutanée, diarrhées, douleurs abdominales, asthme, etc. Cette réaction a lieu rapidement:pendant le repas ou dans l’heure qui suit.
- L’APLV non induite par des anticorps de type IgE (non IgE médiée). La forme non induite par les IgE est plus courante mais plus difficile à diagnostiquer. Dans cette forme, il n’y a pas de production d’anticorps; certains médecins parlent donc d’intolérance alimentaire. Les réactions sont moins spécifiques(rougeurs, eczéma, maux de ventre) et sont retardées par rapport à l’ingestion des produits laitiers. Cette forme est souvent associée à un reflux gastro-œsophagien (RGO). Puisque le reflux provoque des symptômes similaires (pleurs, inconfort lors des tétées), cela complique le diagnostic.
Attention l’intolérance au lactose n’est pas une forme d’APLV. Diagnostics et solutions proposées sont différents.
Test de l’APLV
Pour tester l’APLV, on utilise des tests, semblables aux autres allergies:
- Test cutané ou Skin prick test (SPT) : Une goutte de lait est injectée sous la peau et la réaction est immédiatement observée. Une réaction cutanée va indiquer une allergie. Ce test ne permet de détecter que les réactions immédiates.
- Patchs : Un patch qui contient des protéines de lait est collé et laissé sur la peau. Le patch est ensuite observé plus tard (potentiellement au bout de plusieurs jours) pour observer une possible réaction cutanée. Ce test permet donc de détecter des réactions retardées.
- Test sanguin des IgE spécifique : Une petite quantité de sang est prélevée. Des analyses biomédicales vont permettre de détecter les anticorps spécifiques aux protéines de lait de vache. Ce test permet de détecter seulement les allergies IG-E médiée.
Selon le test proposé, on pourra détecter des allergies différentes. Mais aucun des tests précédents ne permet de détecter toutes les allergies, et certaines allergies ne seront détectées par aucun de ces tests. Un dernier test est possible :
- Test de provocation orale ou Oral food challenge (OFC) : après plusieurs semaines sans donner de produits laitiers à l’enfant (le temps que le corps élimine complètement l’allergène), des produits laitiers sont de nouveau donnés à l’enfant. Si les symptômes reviennent : l’enfant est diagnostiqué comme allergique.
Bien que ce dernier test détecte en théorie toutes les allergies, il est difficile à mettre en place (élimination de tous les produits laitiers chez la mère allaitante ou chez l’enfant qui mange des solides) et il est subjectif (le parent reconnaît les symptômes). C’est pourquoi il peut produire ce que l’on appelle des « faux positifs » : des enfants diagnostiqués comme allergiques alors qu’ils ne le sont pas.
La méthode la plus exacte pour détecter des allergies alimentaires est l’essai randomisé en double aveugle de provocation alimentaire : l’enfant mange quelque chose avec ou sans l’aliment allergique (ici le lait) sans que l’adulte présent ne sache si l’aliment allergique est présent. Les éventuels symptômes sont alors notés, si possible par des professionnels, qui ne savent pas si l’enfant a été exposé à l’allergène. Si l’enfant ne réagit que lorsque l’aliment contient bien un aliment allergique, alors l’enfant est allergique, sinon ce n’est pas une allergie alimentaire.
Bien que précise, il n’est pas possible, ni souhaitable, de mettre en place cette méthode pour tous les enfants qui ont une suspicion d’APLV. Elle permet cependant de mesurer la prévalence (le nombre de cas à un instant donné ou sur une période donnée dans une population) de certaines allergies. L’étude de Keil et al en 2010 a utilisé cette méthode pour montrer que 2 à 3% des enfants en Europe souffrent d’APLV. Malgré un chiffre important, il est plus faible que le nombre d’enfants pour lesquels les parents suspectent une APLV mais cela reste un nombre important). Cette méthode a aussi permis de montrer que l’APLV non IgE médiée est bien une allergie alimentaire.
La procédure de diagnostic
Comme les autres allergies alimentaires, le diagnostic est une combinaison d’antécédents cliniques et de tests, comme ceux présentés précédemment. La procédure en elle-même varie suivant les pays et les praticiens, mais elle tend à suivre le schéma suivant
En fonction de la sévérité des symptômes, le médecin va proposer
- soit directement un test sanguin si l’enfant présente une réaction allergique sévère (difficulté respiratoire, vomissement ou diarrhée sévère)
- soit un un test de provocation alimentaire
En cas de test de provocation alimentaire positif alors un test sanguin est proposé pour diagnostiquer le type d’allergie (IGE médié si les deux tests sont positifs).
En cas de test sanguin négatif, un test de provocation alimentaire est proposé pour détecter une éventuelle allergie non IGE médiée.
En cas de test sanguin positif, l’enfant est diagnostiqué avec une allergie IgE médiée et la provocation alimentaire n’est pas nécessaire ni souhaitable (risque de forts symptômes)
L’importance du diagnostic
Dans le revue scientifique de Koletzo et al en 2012 sur l’APLV, les auteurs soulignent l’importance d’un bon diagnostic. Si un enfant souffre d’APLV mais continue de manger des produits laitiers, sa croissance et son développement peuvent être affectés : difficulté pour nourrir l’enfant, difficulté de digestion, etc.
De même un enfant à qui on aurait diagnostiqué un PLV alors que ce n’est pas le cas peut souffrir de retard de croissance (manque de produit laitier), de difficultés sociales (mise à l’écart à la cantine, partage de gâteau interdit) et créer une pression importante, inutile, chez les parents (difficulté pour nourrir l’enfant, inquiétude). Enfin une exclusion totale prolongée des PLV peut induire une allergie IgE médiée chez un enfant qui n’en avait pas (Jaime et al. 2019) . Cela n’est donc pas aussi simple que d’exclure simplement le lait « au cas où ».
D’autre part il est important de diagnostiquer le bon type d’allergie pour :
- la réintroduction du lait (à l’hôpital en cas d’allergie IgE médiée)
- la sélection du bon régime alimentaire (choix dans le lait artificiel alternatif, allergies croisées suivant la protéine incriminée, parfois il est même recommandé de garder des petites quantité de produits laitiers pour une allergie non IgE-médiée avec faible réactions).
- la conduite à tenir en cas d’ingestion involontaire (EpiPen, simple surveillance, etc)
Enfin, ces tests permettent de suivre l’évolution de l’allergie lorsque l’enfant grandit.
Sources scientifiques
Koletzko, S., Niggemann, B., Arató, A., Dias, J. A., Heuschkel, R., Husby, S., … & Vandenplas, Y. (2012). Diagnostic approach and management of cow’s-milk protein allergy in infants and children: ESPGHAN GI Committee practical guidelines. Journal of pediatric gastroenterology and nutrition, 55(2), 221-229.
Keil, T., McBride, D., Grimshaw, K., Niggemann, B., Xepapadaki, P., Zannikos, K., … & Beyer, K. (2010). The multinational birth cohort of EuroPrevall: background, aims and methods. Allergy, 65(4), 482-490.
El-Agamy, E. I. (2007). The challenge of cow milk protein allergy. Small Ruminant Research, 68(1-2), 64-72.
Jaime, B. E., Martín, J. J. D., Baviera, L. C. B., Monzón, Á. C., Hernández, A. H., Burriel, J. I. G., … & Koninckx, C. R. (2019). Non-IgE-mediated cow’s milk allergy: consensus document of the spanish society of paediatric gastroenterology, hepatology, and nutrition (SEGHNP), the spanish association of paediatric primary care (AEPAP), the spanish society of extra-hospital paediatrics and primary health care (SEPEAP), and the spanish society of paediatric clinical immunology, allergy, and asthma (SEICAP). Anales de Pediatría (English Edition), 90(3), 193-e1.
Article relu par @bebatut, @ponoodle et @marieastridbatut. Photo par Marco Verch
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